Code, médias & contenus

À l'issue de mon diplôme de 3e année porté sur l'archivage des pratiques numériques et son application aux domaines de l'impression papier, j'ai eu l'occasion de me questionner sur les mécanismes qui permettaient une transgression de flux inter-médias à travers des supports différents. C'est en abordant la question du code, intimement liée aux supports numériques que j'ai pu apporter des éléments de réponse, tant en injectant des contenus web dans l'imprimée12 qu'en opérant un transfert entre différents médias liés au support numérique lui-même3.

La question du code paraît essentielle aujourd'hui. D'autant plus si elle rendu visible et intelligible pour ceux qui peuvent l'interpréter. C'est le code qui permet, à mon sens, de fixer un contenu à travers des règles et un langage spécifique, sur le support écran. Dès lors, on peut dire qu'il fait office de lien entre ces deux fondamentaux du numériques. À la différence du livre où supports et contenus sont intrinsèques et ne nécessitent aucun décodage, le web requiert une lecture du code permettant à des contenus d'exister. C'est pourquoi on associe aujourd'hui par exemple l'HTML (Hypertext Markup Language)4 au CSS (Cascading Style Sheets)5 ou encore le XML (Extensible Markup Language)6 au XSL (eXtensible Stylesheet Language)7: à chaque fois, le premier format regroupe des contenus auquel le deuxième format apporte une description et des attributs visuels. L'exemple ci-joint montre un même contenu interprété par différentes feuilles de styles CSS8. Le code illustre une volonté de la part du designer et/ou développeur et définit un ensemble de règles et de choix, qu'ils soient d'ordre esthétiques, d'usages ou fonctionnels, donnant lieu à une interface, à un média en envisageant un contenu indépendant des feuilles de styles.
En cela, les supports de diffusions, tels que les blogs, les réseaux sociaux ou encore les sites internets ont tous des attributs et des usages liés à leur création et les techniques mises en œuvre afin de montrer ces flux d'informations. Leur conditionnement spécifiques vont jusqu'à modifier les contenus, la manière de les aborder, de les manipuler ou d'interagir avec eux. Par exemple, le concept du blog dépeint le plus souvent une actualité, par des articles. Leurs cycles de publications varient mais sont encrés dans une temporalité assez courte et des utilisateurs peuvent exprimer souvent un avis. Un site internet met en avant une information plus pérenne et requiert une mise à jours plus lourde et donc moins fréquente.
Car en effet, avec l'émergence du web, l'utilisateur devient acteur, auteur ou même producteur. Il créé ses propres contenus avec plus ou moins de notoriété et de légitimité selon le statut qu'il a (où qu'il se créé). Internet rend visible une multitudes d'informations par différentes entrées et médias interactifs et donne lieu à une culture de l'hyper-publication, de l'hyper-réactivité, non plus seulement réservée à une élite, et ce par son accessibilité et ses modes de diffusions rapides. Aborder la question du contenu et de sa mise en œuvre, c'est envisager dès lors plus largement la question d'une nature de contenus spécifiques à un contexte ou une demande d'avantage qu'un contenu fixe et qui n'évolue pas, comme pour l'édition imprimée. C'est donc envisager des variables de contenus dont seul le code permettra un résultat stable, fonctionnel et homogène.

Dès lors, la place du designer graphique reste encore très vague. Il convient de savoir, d'une part, si le designer doit assumer ce rôle de développeur. Selon François Brument, "le travail du designer ne se confond pas, ni ne se réduit, à celui du développeur"9. Le travail de designer consiste, selon l'auteur, à "envisager le projet dans son rapport à l’usage, à la fonctionnalité, à l’étude d’un contexte et à lui apporter une réponse". Il convient de nuancer ses propos en estimant que des connaissances en terme de développement, permettent d'envisager des usages et possibilités plus étendues. En outre, on peut estimer que le choix des outils et de supports et/ou médias présentent un premier enjeu considérable du designer graphique.
D'autre part, il lui appartient aussi de nourrir des questionnements sur la place de l'utilisateur et par conséquent, sa place à lui: d'une manière, le designer définit des règles, des usages, des variants et invariants, et laisse à l'utilisateur une "marge de manœuvre" plus ou moins élargie. Dans ce cas-là, il convient de définir un outils, des fonctionnalités et des usages tout en laissant l'utilisateur, le commanditaire ou même des facteurs extérieurs se charger de certains paramètres (le contenu étant un de ces paramètres). Cette posture transparaît dans différents projets tels que le travail de Luna Maurer & Jonathan Puckey, "Skycatcher"10AB qui répond à un dispositif de captation périodique (invariable) du ciel (variable) d'Amsterdam et de sa re-disposition dans l'espace d'exposition selon un paramètre temporel. On retrouve ce type de posture dans le travail de Michaël Bussaer11 qui pour l'identité d'un théâtre représenté par la lettre "W" fait le choix de restituer à son commanditaire une consigne: remplacer le w par la chaîne de caractère "//" tout en lui laissant les choix typographiques.
La question du CMS12 paraît désormais évidente. Les Systèmes de Gestion de Contenus (ou en anglais Content Management System) apparaissent comme un fondement des pratiques de développement dynamique. Ce système, qui permet à l'utilisateur de passer de l'information brute à une information dynamique en ligne par une formalisation du code tend à bien séparer la forme de son contenu. Des principes tels qu'Indexhibit13C, Tumblr14D ou encore Facebook15 le pratiquent à des échelles différentes. Le travail de Formes Vives et Geoffrey Dorne autour d'un générateur aléatoire de logo de municipalité16 témoigne d'avantage une critique de cette formalisation. Et la variable liée au nom de la ville permet cette finalité.

Dès lors, à la question posée par Lust, "Do we still need graphic designer?" est légitime et nécessaire. En lien avec son interface "Posterwall"17E générant des affiches dynamiques en ligne, « Lust interroge ici de manière auto-référentielle la délégation des compétences du designer aux algorythmes, et indirectement, le et la perte conséquents à cette transmission […]". Dans l'article "Écrire le design"18 par , les auteurs parlent de cette ligne éditoriale définie dans l'algorithme et qui "trahie" le style de Lust. On peut donc dire que le rôle du designer/programmeur est ici recentré dans sa qualité d'"éditorialiste" autour d'une technologie autonome dont il est l'auteur.
Plus généralement, ces questions intimement liées à une économie du design graphique permettent de pointer des problématiques divergentes. D'un côté, une production de masse vise favoriser une interface vulgarisée afin de "séduire" un grand nombre d'utilisateurs, par opposition à des propositions plus artisanales qui visent à répondre à des thématiques singulières, en fonction d'une demande et d'un contexte précis, valorisant ainsi le positionnement du designer graphique.

NOTE D'INTENTION

Le texte suivant a été rédigé sur l'application TextEdit.app. Afin d'apporter un premier complément de réponse à mon positionnement, cette réflexion vous est remise à travers différents supports de diffusion. Chaque support met en avant donc un code spécifique (du texte brut lié à une application jusqu'à la création d'un code HTML+CSS spécifique) en fonction des interfaces qui sont mises à ma disposition et de leur caractéristiques propres. Elle tente de questionner différents contextes de lectures, de manipulation et par conséquent, une mécanique de réponse qu'il vous appartient désormais d'engager. Les liens suivants vous renvoient à chacun d'entre eux:
- TextEdit.app Format: rtf
> http://www.erba-valence.fr/designgraphique/DG5/Yann_Alary/Pre-memoire/pre-memoire01-1.rtf
> http://www.erba-valence.fr/designgraphique/DG5/Yann_Alary/Pre-memoire/pre-memoire01-2.rtf
- Dreamweaver.app Format: html + css (screen)
Format (imprimable): html + css (print)
> http://www.erba-valence.fr/designgraphique/DG5/Yann_Alary/Pre-memoire/pre-memoire04.html
- http://www.indexhibit.org
> http://yan.dn.free.fr/index.php?/projects/code-medias-et-contenus/
- http://typewith.me/
> http://typewith.me/p/Code,_medias_et_contenus

NOTES

1 http://yan.dn.free.fr/index.php?/projects/quoted/
2 http://yan.dn.free.fr/index.php?/archive/a4-soon/
3 http://yan.dn.free.fr/index.php?/projects/indexhibit-emsoonem/
4 http://fr.wikipedia.org/wiki/Hypertext_Markup_Language, dernière consultation le Mercredi 2 Mai 2012
5 http://fr.wikipedia.org/wiki/Feuilles_de_style_en_cascade, dernière consultation le Mercredi 2 Mai 2012
6 http://fr.wikipedia.org/wiki/Xml, dernière consultation le Mercredi 2 Mai 2012
7 http://fr.wikipedia.org/wiki/Extensible_stylesheet_language, dernière consultation le Mercredi 2 Mai 2012
8 http://www.csszengarden.com/tr/francais/, dernière consultation le Mercredi 2 Mai 2012
9 François BRUMENT, "Le designer n'est pas un développeur", 2012
http://strabic.fr/Le-designer-n-est-pas-un.html (Partie 2/2)
10 Luna MAURER & Jonathan PUCKEY, "Skycatcher", 2005-2009, Museum de Paviljoens,
http://www.poly-luna.com/2/skycatcher
11 Michaël BUSSAER, Conférence du 7 avril 2011, ERBA Valence
12 http://fr.wikipedia.org/wiki/Système_de_gestion_de_contenu, dernière consultation le Mercredi 2 Mai 2012
13 Daniel EATOCK & Jeffery VASKA,
http://www.indexhibit.org/, créé en 2007
14 John MALONEY,
https://www.tumblr.com/, créé en 2007
15 Mark ZUCKERBERG, Dustin MOSKOVITZ, Chris HUGHES & Eduardo SAVERIN,
https://www.facebook.com/, créé le 4 février 2004
16 Adrien ZAMMIT, Nicolas FILLOQUE & Geoffrey DORNE, "Un logo pour votre ville", 2009
http://www.logo-de-ville.fr/
17 LUST, "Posterwall", 2008, Graphic Design Museum of Breda
http://www.lust.nl/posterwall/
18 Stéphanie VILAYFIOU & Alexandre LERAY, "Écrire le design. Vers une culture du code", Back Cover #4, 2011, Edition B42

BIBLIOGRAPHIE/WEBOGRAPHIE

— François BRUMENT, "L'enseignement des pratiques numériques", 2012
http://strabic.fr/L-enseignement-des-pratiques.html
— François BRUMENT, "Le designer n'est pas un développeur", 2012
http://strabic.fr/Le-designer-n-est-pas-un.html
— Richard Lagrange, "Graphisme en France 2012. Codes<>Outils<>Design", 2012, CNAP
http://www.cnap.fr/sites/default/files/publication/123851_graphisme_en_france_2012.pdf
— DEVALENCE, Back Cover #4, 2011, Édition B42
— Interview de Freddy LIMPENS, "Artisanat numérique, ingénierie, philosophie du Web…", 2010, PhiloWeb.
http://www.dailymotion.com/video/xevagu_artisanat-numerique-ingenierie-phil_tech
— DEVALENCE, "Lire à l'écran", 2011, Édition B42
— Tim BERNERS-LEE, "On the next web", 2009, Ted
http://www.ted.com/talks/lang/en/tim_berners_lee_on_the_next_web.html
— Casey REAS, Chandler WILLIAMS & LUST, "Form+code", 2010
— Joe CLARK, "Building accessible websites", 2008
http://joeclark.org/book/sashay/serialization/
— Jean Michel SALAÜN, "Le web comme bibliothèque", 2012, Place de la toile
http://www.franceculture.fr/player/reecouter?play=4427169

A

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C

D

E